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3 ans dans une entreprise à mission : une rétrospective

Rédigé le par

Retour sur 3 ans au sein d’une entreprise à mission avec Franck Valadier

 
En France, elles sont aujourd’hui un peu plus de 600. Encore largement minoritaires, les entreprises à mission incarnent pourtant une nouvelle vision de l’entreprise, alignée sur les enjeux de notre époque. À la différence d'une entreprise traditionnelle, dont la raison d'être première est sa propre pérennité, les entreprises à mission ont pour vocation première de continuer à suivre la mission définie dans leurs statuts, mission liée à des objectifs environnementaux et sociaux).  

Depuis sa création il y a trois ans, digital4better, l'entreprise derrière la solution fruggr suit ce modèle. Elle se présente également comme une entreprise libérée, au sein de laquelle les collaborateurs travaillent en autonomie. Comment guide-t-on une équipe au sein d'une entreprise libérée ? Comment la poursuite de la mission se traduit dans la façon d’approcher ses tâches au quotidien ? Franck Valadier se penche sur ces questions et témoigne de son expérience en tant que Chief eXperience Officer au sein de digital4better.   

Peux-tu décrire en quoi consiste l'approche d'une entreprise à mission telle que digital4Better ?

 

La particularité d’une entreprise à mission demeure dans le fait qu’on remet de l'altruisme au cœur de l'entreprise. digital4better n'est pas une simple association dédiée au Numérique Responsable : c'est une entreprise qui doit être économiquement viable, certes, mais cette viabilité est conçue de manière à ce que les avantages profitent à tous les acteurs de l'entreprise. Et cette approche se reflète concrètement dans les statuts de l'entreprise.  

La mission de digital4better est engageante par le fait qu’elle ne se limite pas à des mots ou à une position défendue : elle exige une véritable mobilisation de tous les collaborateurs. Pour garantir que nous restions fidèles à notre mission, nous évitons à tout prix le "greenwashing" et faisons régulièrement appel à des organismes tiers pour réaliser des audits indépendants. Cette approche transparente est essentielle pour maintenir notre intégrité. 

Bien sûr, il y a toujours des défis à relever. Cependant, ce que j'ai particulièrement apprécié, c'est la vigilance constante des cofondateurs quant aux respects des engagements de l’entreprise. Ils n'hésitent pas à faire des arbitrages difficiles. Par exemple, nous avons répondu à un appel d'offres qui n'était pas économiquement avantageux, mais qui était en parfaite adéquation avec notre mission. 

Comment l’engagement de digital4better pour le Numérique Responsable influence-t-il ton travail au quotidien ?

 

Il y a une différence fondamentale avec la façon dans je travaillais auparavant. Dans une entreprise à mission, le cadre de ce qu’on peut faire pour rester en phase avec nos engagements est clairement défini. Je suis passionné par les technologies numériques et par la créativité qu'elles offrent grâce aux nouvelles innovations dans le domaine. Mais si on veut être en phase avec notre mission, il faut s’interdire de faire certaines choses. Il ne s’agit pas de se renier artistiquement parlant, mais simplement d’avoir une approche plus raisonnée de sa créativité pour avoir un impact numérique moindre

En tant que designer, j'adopte systématiquement une approche axée sur l'écoconception. Lorsque je passe en mode communicant, je suis tout aussi attentif à ma façon de concevoir et de diffuser des contenus. Au cours des dernières années, mon travail s'est déplacé vers une perspective plus centrée sur l'humain et sur l'impact environnemental et social. Cela implique de se remettre en question beaucoup plus souvent : Est-ce qu'on a vraiment besoin de cette fonctionnalité ? Cette réflexion et cette recherche de la sobriété n'était pas aussi présente par le passé. Notre approche du Numérique Responsable ne consiste pas simplement à faire moins, mais à faire mieux. 

Pour moi, cela représente un retour aux bases essentiel. Cela implique d'éviter la surenchère avant même que le produit ne soit créé, de rechercher l'efficacité et de faire des choix fondamentaux qui soutiennent notre engagement en faveur du social et de l'environnement.

digital4better est aussi une entreprise libérée. Comment résumerais-tu ton expérience en trois mots ?

 

Tout d'abord je dirais : “Désapprendre”. Cette expérience m'a conduit à remettre en question les normes que j'avais acquises au sein d’entreprises classiques, aux structures hiérarchiques bien définies. C'est une opportunité incroyable car désapprendre signifie apprendre, et par conséquent, évoluer. L’entreprise libérée cherche à tendre vers un modèle plus transparent, collaboratif et collectif. Avec l’absence de la notion de verticalité, le rapport aux collaborateurs change. On manage en se basant sur les compétences et l’expertise, et non à partir d’un poste hiérarchique. Cela m’a apporté une sensation de plénitude dans mon travail.  

Ensuite, “Confiance”. En entreprise libérée, il faut apprendre à faire confiance uniquement sur la base des compétences, et laisser les jeux hiérarchiques ou politiques de côté. Cela veut aussi dire apprendre l’humilité. Le processus décisionnel n’étant pas cloisonné, cela crée un climat de bienveillance naturelle. 

Enfin, “Solidarité”.  Le principe fondamental de l’entreprise libérée est l’autonomie, mais il n’implique pas pour autant un isolement des collaborateurs, au contraire. Ce qui me marque chez digital4better, c'est la facilité avec laquelle nous obtenons l'aide et la participation de tous. Tout se fait naturellement, et chaque collaborateur est force de proposition. Cela se concrétise au travers des comités et des cellules : chaque collaborateur s’intègre à des groupes dédiés aux aspect de l’entreprise, d’un projet (l’impact environnemental de l’entreprise, la rémunération, le bien-être des collaborateurs...).  

Comment vois-tu l’évolution d’une entreprise à mission passé le cap des 3 ans ? Quels sont les défis rencontrés ? 

Il est bien plus simple de suivre le modèle de l’entreprise à mission libérée au sein d'une petite structure. Chez digital4better, nous nous commençons à ressentir la nécessité de réévaluer notre approche pour nous adapter car nous arrivons à un nouveau cap de croissance. C'est pourquoi nous avons mis en place un groupe de travail, sous l’égide du cabinet Sillages, appelé "Better4Us" pour faire face à ces nouveaux défis. Les membres de ce comité, qui jouent un peu le rôle de "gardiens du temple", sont très engagés et apportent une réassurance importante aux collaborateurs.  

Il est aussi important pour poursuivre notre mission, même à un niveau de croissance supérieur, de continuer à recruter des personnes qui partagent ces valeurs et qui sont alignées sur notre modèle. Cependant, il est important de noter que notre approche axée sur l'autonomie peut poser des défis pour les alternants, les stagiaires et les jeunes profils. Nous devons être très vigilants pour les accompagner dans leur développement, car notre modèle, bien que vertueux, ne convient pas à tout le monde.   

Enfin, quels enseignements as-tu acquis au cours de tes trois années d'expérience au sein de cette entreprise à mission ?

 

J'ai réalisé qu'un autre modèle est possible. J'ai découvert qu'il existait d'autres approches pour faire fonctionner une entreprise. J'ai compris que, quelle que soit la structure, une entreprise demeure une aventure humaine, et ce modèle met encore plus en lumière cette dimension. Pour ma part, je me suis rapproché de digital4better car j’avais envie de travailler avec les cofondateurs, et j'ai été agréablement surpris par ce mode de fonctionnement. C'était une véritable bouffée d'air frais.  

Un autre aspect crucial du bien-être de l'entreprise est sa taille. Il est difficile de maintenir ce modèle d’entreprise dans une grande structure. La proximité doit donc être créée, d'où la nécessité d'une taille limite pour avoir la légitimité et la pertinence nécessaires. L'ancrage local est également essentiel. Le fait que l'entreprise ne soit pas centrée sur Paris est un atout important, cela permet de prendre du recul, notamment en termes de rythme et de ne pas suivre la frénésie. 

Ce que j'ai retenu de ces trois années, c'est aussi l'importance de rester agile. Ce qui était vrai il y a deux ans ne l'est plus aujourd'hui. Il n'y a pas de vérité immuable, et il est essentiel de se réinventer en permanence. Ce modèle est destiné à se transformer, et cela fait écho au principe cher à digital4better : celui de l’amélioration continue.

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